Un grand nom, une belle fortune, une jolie silhouette, infiniment d’esprit et de goût auraient suffi à faire du comte Robert de Montesquiou-Fezensac un des hommes les plus agréables de son temps, mais une intransigeante passion pour la beauté, autant qu’une impitoyable insolence, isolèrent - au milieu de la fête Fin de Siècle - cet arbitre des élégances poétiques et mondaines. Descendant de d’Artagnan, Montesquiou devint, grâce à Huysmans, le prince des décadents, et prêta ses gilets à Dorian Gray ; pour le Paon de Chantecler, Rostand lui emprunta sa voix et son panache. Quant à Proust, qui avait tant appris au cours d’une amitié de vingt années, il en fit le baron de Charlus. Sous tant de caricatures, Philippe Jullian a retrouvé le poète qu’aimèrent Mallarmé et Verlaine ; le modèle de Whistler, de Boldini et de Helleu ; le critique qui lança le Modern’ style. Philippe Jullian a également suivi le poète dans des recherches qui furent imitées par Apollinaire ou Roussel, et jusque dans de singulières expériences spirites. Observateur de la vie parisienne, l’auteur a replacé son héros du côté de Guermantes, comme à Sodome et Gomorrhe ; il nous transporte dans les demeures de Versailles et de Neuilly, où l’on pu entendre les premières mélodies de Fauré et de Debussy, où l’on rencontra Anna de Noailles et Barrès, Anatole France ou Rodin. À côté de l’esthète, se dresse donc un Montesquiou à la verve mordante, un chroniqueur qui tient à la fois de Pétrone et de Tallemant des Réaux, Philippe Jullian en a retrouvé les modèles dans cette équivoque et scintillante Belle Époque, dont Montesquiou demeure une des plus extraordinaires figures. La famille de Robert de Montesquiou ouvrit ses archives à Philippe Jullian qui, le premier, dépouilla le fonds Montesquiou, dans lequel il découvrit des lettres d’amis aussi variés que Hérédia ou Cocteau, Sarah Bernhardt ou Colette, Henry James ou Whistler, Mallarmé ou Raymond Roussel.